La pandémie que nous traversons actuellement avec la COVID-19 a nécessité la mise en place des mesures d’urgence sanitaire tel le confinement et la distanciation sociale. Une telle situation exceptionnelle entraîne son lot de questionnements et d’inquiétudes pour les parents relativement à l’application des modalités de garde et l’exercice des droits d’accès auprès de leurs enfants.
À ce sujet, le gouvernement du Québec soutient que les jugements sur la garde et les droits d’accès, ainsi que les ententes convenues entre les parents à cet égard par médiation ou autrement, doivent être respectés autant que possible. Le gouvernement réclame alors des citoyens qu’ils respectent les consignes émises par la santé publique. Rappelons que dans l’éventualité où une personne a des symptômes reliés à la COVID-19 ou a été testée positive à cet égard, la situation commande un isolement de 14 jours afin d’éviter la propagation. Il en est de même lorsqu’une personne revient d’un séjour à l’extérieur du pays.
Ainsi, si un parent ou un membre de son entourage se trouve dans une desdites situations d’isolement, l’enfant ne pourra pas se déplacer d’un domicile à l’autre afin d’éviter la propagation. Par le fait même, si l’enfant présente des symptômes de COVID-19 ou est déclaré positif, ce dernier devra rester en isolement au domicile où il se trouve. Il ne pourra alors se rendre au domicile de l’autre parent, et ce, pour la période prévue de 14 jours.
Dans les circonstances décrites ci-avant, les consignes gouvernementales peuvent donc temporairement faire obstacle à l’application des jugements et des ententes en matière de garde. Dans les autres cas, à moins de circonstances particulières, il est à comprendre qu’un parent ne peut interdire l’application des modalités habituelles de garde et de droits d’accès. En cas d’inquiétude sur les précautions mises en place au domicile de l’autre parent, les parents sont invités à discuter entre eux et de tenter d’arriver à des ententes. Le gouvernement de Québec invite alors les citoyens à user de «gros bon sens». Concrètement, qu’est-ce que cela signifie? L’évaluation de ce que représente un tel critère de bon sens peut différer d’un parent à l’autre, et en cas de mésentente, il peut s’avérer nécessaire de s’adresser aux tribunaux.
Parenthèse importante à ce sujet, dans le contexte de la pandémie, les juges demeurent en mesure d’entendre les causes en matière familiale dans les cas présentant un caractère d’urgence. Ainsi, depuis le début de la crise sanitaire, des jugements sont intervenus afin de baliser l’application des modalités de garde en contexte de pandémie.
Tout d’abord, dans une affaire ayant été entendue par l’honorable Johanne April le 27 mars dernier, la juge faisait état qu’un des enfants des parties souffrait de problèmes respiratoires et était sujet à faire des pneumonies. Également, la mère habitait avec ses parents âgés de 79 et 84 ans. Le père, pour sa part, résidait avec sa nouvelle conjointe présentant des problèmes de santé. Le père souhaitait alors qu’une ordonnance soit rendue afin de suspendre les droits d’accès de la mère avec les enfants et de remplacer ceux-ci par des contacts via des moyens technologiques tels que Skype ou Facetime. Considérant que la mère et les membres de sa famille ne présentaient aucun symptôme de la COVID-19, qu’il n’y avait pas de va-et-vient à sa demeure et qu’elle avait l’intention de se conformer aux mesures sanitaires qui s’imposent dans les circonstances de la pandémie, la juge April rejeta la demande du père. Dans son jugement, la juge indiqua que la présence de la COVID-19 n’était pas, en l’absence de symptômes pour les individus concernés, un motif nécessitant une modification de la garde et des accès pour les enfants.
Dans une autre affaire datée du 3 avril 2020, l’honorable Marie-Josée Bédard établit que le fait qu’un des parents exerce un emploi jugé comme étant un service essentiel n’est pas en soi suffisant, en l’absence d’infection ou de symptômes de la maladie du coronavirus chez les personnes concernées, pour suspendre les modalités de garde partagée. Dans cette affaire, considérant que la garde partagée était maintenue, la mère préféra renoncer à son temps de garde afin de protéger son jeune bébé. La juge autorisa alors cette dernière à ne pas exercer son temps de garde jusqu’à la levée de l’état d’urgence sanitaire.
En date du 9 avril 2020, l’honorable Line Samoisette se prononça également sur une situation dans le cadre de laquelle une mère avait intégré une résidence pour femmes victimes de violence conjugale. Au sein dudit centre d’hébergement, les mesures sanitaires mises en place à l’interne dans le contexte de la pandémie étaient à l’effet d’exiger que les enfants, suivant leur sortie à l’extérieur du centre, porte un masque dans les zones communes, et ce, pour une période de 14 jours suivant leur retour. Considérant que le port de ce masque était trop exigeant pour un enfant âgé de 4 ans, la juge ordonna que, pour la période d’hébergement de la mère dans la résidence pour femmes, les droits d’accès du père s’effectuent par le biais de moyens technologiques. La juge ordonna que, suivant la fin de l’hébergement de la mère à ladite résidence, les droits d’accès du père soient rétablis, à raison d’une fin de semaine sur deux.
Ce dernier jugement est cohérent avec la mesure adoptée par la ministre de la Justice et la procureure générale du Québec le 11 avril 2020, à l’effet de suspendre temporairement les droits de garde et d’accès lorsque le parent qui a la garde de l’enfant réside dans une ressource d’hébergement pour personne victime de violence conjugale qui impose des mesures d’isolement aux personnes qu’elle accueille. Dans une telle situation, il est précisé que les contacts doivent tout de même être maintenus, dans la mesure du possible, par le biais de moyens technologiques.
Il est donc à noter que les mesures mises en place dans le contexte de la situation d’urgence sanitaire continuent d’évoluer de jour en jour et qu’il est important de demeurer bien informé afin de les mettre en application. Vous avez des questions quant à votre situation particulière? Demandez qu’un avocat en droit de la famille vous appelle!
N. B. : Cet article dégage les principes généraux du droit québécois et ne constitue pas un avis ou un conseil juridique. Chaque situation étant différente et le droit étant porté à évoluer, vous êtes invité à contacter votre conseiller juridique afin de connaître les règles particulières propres à votre situation.